26.10.2017: T-601/16: L’obligation de motivation dans le cas de non-promotion.

L’obligation de motivation, qui fait partie intégrante du principe de bonne administration, ainsi que cela ressort de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux, a vu son importance renforcée à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, par l’insertion de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 298, paragraphe 1, TFUE. En effet, une administration européenne ouverte et efficace se doit de respecter scrupuleusement les dispositions du statut. En particulier, la motivation de tout acte faisant grief aux agents de l’Union est une condition indispensable pour assurer un climat de travail serein au sein de l’administration de l’Union, en évitant de créer la suspicion que la gestion du personnel de celle-ci repose sur l’arbitraire ou le favoritisme.

Ainsi, la seule présence d’éléments critiques dans les rapports d’évaluation du requérant pour les années 2012 à 2014 ne permettait pas à ce dernier de comprendre la manière dont les critères édictés à l’article 45 du statut avaient été appliqués à sa situation, justifiant, au terme d’une comparaison par le Cedefop des mérites des fonctionnaires promouvables pour l’exercice de promotion 2015, la décision de ne pas promouvoir le requérant à l’occasion dudit exercice.

Par ailleurs, des courriers et courriels qu’ils n’ont pas été adressés au requérant ou sont antérieurs de plus de un an à la date d’adoption de la décision attaquée et certains mêmes antérieurs de plus de cinq ans, voire de sept ans, à celle-ci, même s’ils établissent que le requérant avait connaissance de certaines critiques émises à son sujet quant à ses aptitudes en matière de gestion ainsi qu’à son traitement de certains dossiers de marchés publics, ne puissent suffire à constituer un début de motivation au risque de compromettre l’objectif visé par la procédure précontentieuse prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut, à savoir, selon une jurisprudence constante, le règlement amiable de litiges qui naissent au moment de la réclamation.

64 En effet, une telle approche permettrait à l’AIPN de prendre appui sur tout élément d’appréciation négatif concernant le candidat non promu et dont ce dernier a été informé pour s’exonérer de l’obligation de lui notifier une décision motivée rejetant sa réclamation, découlant de l’article 90, paragraphe 2, second alinéa, du statut et qui constitue une expression particulière, d’une part, de l’exigence de motivation de toute décision faisant grief prévue à l’article 25, deuxième alinéa, du statut et, d’autre part, du droit à une bonne administration garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

65 Or, une telle omission de répondre à la réclamation, introduite de surcroît contre une décision de non-promotion elle-même dépourvue de motivation, est susceptible de créer ou de renforcer auprès de l’intéressé des sentiments d’incompréhension, voire de frustration, et de créer ainsi un climat propice à l’introduction d’un recours devant le juge de l’Union, qui, si l’AIPN avait agi avec la diligence requise, aurait éventuellement pu être évité.

De surcroît, la seule connaissance par le candidat non promu d’appréciations négatives portées sur lui ne saurait en principe se substituer à la motivation de la décision de non-promotion que ledit candidat est en droit d’attendre de l’AIPN en réponse à sa réclamation.

De même, la seule circonstance que le requérant avait déposé une candidature à un poste au sein du Conseil plus d’un mois avant l’adoption de la décision attaquée n’établit nullement que le requérant avait acquis la certitude, dès ce moment, qu’il ne serait pas promu ni, à plus forte raison, qu’il avait connaissance des motifs qui justifieraient la décision de non-promotion.

Il s’ensuit que l’absence totale de motivation de la décision attaquée a, d’une part, placé le requérant dans une situation d’incertitude quant aux raisons de sa non-promotion bien au-delà du délai dans lequel devait intervenir la réponse à la réclamation et, d’autre part, l’a contraint à introduire une procédure judiciaire pour obtenir des éléments d’explication à ce sujet.

Or, les sentiments d’injustice, d’incompréhension voire de frustration ainsi occasionnés au requérant sont imputables au seul comportement de l’AIPN au cours de la phase précontentieuse. Ce comportement a ainsi causé au requérant un préjudice moral particulier, qui ne saurait être adéquatement réparé par la seule annulation de la décision attaquée

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